La science moderne utilise la raison et l'expérimentation pour questionner les processus à l'œuvre dans le monde. Elle est objective, elle passe par la mesure et la reproductibilité de ses expériences. Ce qui fait sa force trace aussi les contours de son champ d'application : le domaine du mesurable, de l'expérimentable. Or le Monde déploie une infinité de dimensions qui échappent à la mesure: la beauté d'une symphonie, l'amour fou, la création, les idées, les concepts... L'idée de race pure peut mener au génocide, l'amour à la guerre, etc. Et de nombreuses questions auxquelles la science n'a pas les moyens de répondre par sa nature même : à commencer par "Qu'est-ce que la science?" pour arriver à "Quelle est la nature du Réel?" ou pour reprendre les mots de Leibniz "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?".
Confronté à ces limites, l'exploration rationnelle du monde s'ouvre naturellement sur l'au-delà de la science, la métaphysique, avec de nouveaux outils, les concepts déployés en systèmes de pensées logiques. Philosophie. Penser le monde par concepts. Commencer par déconstruire les concepts socio-historiques dont on hérite, la vision du monde de notre temps, ce qu'on appelle "le sens commun" et sa matière, les opinions. C'est une expérimentation puissante qui permet de se libérer de l'évidence pour développer un rapport au monde plus fin et plus complexe. Poussé à ses limites, la philosophie se heurte à la barrière de l'intellect, du langage, et de la relativisation généralisée. On peut arriver à des impasses dangereuses comme Witgenstein dont la citation la plus célèbre est "Ce que l'on ne peut exprimer on doit le taire." Mouais...
Dans les deux cas, science et philosophie, la complexité va croissante au fil des avancées. Au lieu de réponses, on a de plus en plus de question. Et surtout, la complexité du Monde nous ouvre de plus en plus puissamment au merveilleux. L'idée de hasard que la science contemporaine essaye d'imposer superstitieusement au monde comme explication définitive des mystères de l'Univers, tient de moins en moins. Un sentiment de sacré nous envahit devant la formidable harmonie que déploie le réel, qui ne peut qu'être la réalisation s'une intelligence formidablement supérieure à la notre.
Il suffit de comparer le plus puissant de nos ordinateurs au cerveau d'une grenouille pour s'en rendre compte.
Alors s'ouvre le champ de la spiritualité qui est une exploration du réel qui abandonne la rationalité au profit de l'expérience directe du sacré. Et cette tentative de fusion avec l'Univers remonte aussi loin que l'humanité. On a toute une science de la spiritualité, ou même plusieurs, des milliers de techniques, de récits, etc...
Et généralement cet effort passe par le dépassement du langage, du mental, et leur création, l'égo. Alors on expérimenterait une réintégration à l'Univers, et un accès à un champ de connaissance universel, absolu, non conceptuel. C'est pas qu'on aurait trouvé des réponses, c'est que l'évidence de l'Être y a effacé toutes les questions.
Je pense que ces trois voies, science, philosophie et spiritualité, ne sont opposées ou cloisonnées qu'en apparence, qu'elles mènent naturellement les unes aux autres, et que chacune peut servir de garde-fou aux autres. La science court le risque de rester bloquée dans la matière et le concept de hasard en niant l'existence du reste du monde ou en essayant de le réduire à des processus physiques, ce qui est un acte de foi purement scientifique. La philosophie peut rester bloquée dans une prolifération de problématiques qui ne dépassent pas l'intellect pour atteindre à l'intuition. La spiritualité peut tomber dans la croyance aveugle, la superstition, le dogme ou pire...
Au contraire les trois peuvent trouver une cohérence, s'entrecroiser, et prendre une cohérence extrinsèque au sein de leurs rencontres. Enfin il faudrait parler de l'art comme autre manière d'explorer le monde, mais ce sera pour une autre fois...
In order to persuade reason to rise above itself, it is essential to arrange it's ascent in a manner not repugnant to it by violating any of its own jealously guarded principles.
Gopi Krishna
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